Histoire

Le plus ancien monument juif de France

Le monument découvert en 1976 est un édifice roman datant du tout début du 12ème siècle. Entièrement construit en pierres calcaires de la vallée de la Seine, ce bâtiment se trouvait en retrait d’une vingtaine de mètres par rapport à la rue aux Juifs et prenait place dans une cour ou jardin.


Description du monument

La Maison Sublime est un édifice rectangulaire d’environ 14 mètres de long sur 9,5 mètres de large. Au vu de l’épaisseur de ses murs, il semble probable que cet édifice possédait a minima 3 niveaux : un sous-sol, un rez-de-chaussée et un étage. Aujourd’hui seules la salle basse et les amorces des murs du rez-de-chaussée sont encore visibles.

Alan Aubry – Metropole Rouen Normandie

Tous les murs, à l’exception du mur Est, sont ornés de contreforts plats encadrés par des colonnes reposant sur des bases sculptées.

Le mur Nord est percé de 4 baies permettant d’éclairer la salle basse. A l’angle Nord-Ouest une tourelle d’angle abrite un escalier à vis qui permettait de mettre en relation les différents niveaux du bâtiment.

Enfin le mur Sud, façade principale du monument, présente les deux plus belles bases de colonnes de tout l’édifice. De part et d’autre de l’escalier permettant d’accéder à la salle basse, se trouvent ainsi une base de colonne représentant deux lionceaux à tête unique et une autre figurant un dragon à deux têtes. Certains voient en ces sculptures l’illustration d’une référence biblique issue du psaume 91: “sur le lion et la vipère tu marcheras, tu fouleras le lionceau et le dragon”.

© Point de vues- Rioland – Eliot
© Point de vues- Rioland – Eliot

La salle basse se situe à deux mètres au-dessous du niveau du sol médiéval. D’une hauteur d’environ 3 mètres, elle n’était pas voûtée mais simplement recouverte d’un plancher. Le sol quant à lui était vraisemblablement constitué de terre battue.

Le sol médiéval

En milieu urbain lorsqu’un monument est détruit ou lorsqu’il s’écroule il est d’usage de répartir les déblais sur le sol, d’épandre une couche de terre afin de stabiliser et d’égaliser le terrain puis de reconstruire par-dessus. Ainsi, le niveau du sol s’élève progressivement au cours des siècles. Dans le cas de la Maison Sublime, le sol médiéval est situé à 2,5 mètres au-dessous du niveau actuel de la cour du Palais de Justice.

©Jean Vavasseur – Rouen Archéologie-Point de vues

Graffitis hébraïques

Dans cette salle basse 16 graffitis hébreux ont été découverts. Dispersés sur les murs intérieurs nord et sud ainsi que dans la tourelle d’angle, ils évoquent des noms de personnes (Josué, Isaac, Jacob, Raphaël). D’autres graffitis expriment quant à eux l’espérance que « la Torah de Dieu existe à jamais » ou rappellent une citation du Livre des Rois (I, 9, 8) : « Que cette maison soit sublime ».

Ces graffitis sont d’autant plus importants qu’ils confirment que le monument a bel et bien appartenu à la communauté juive de Rouen.

Leur étude, comme celle de l’ensemble du monument, ne permet pas de trancher quant à la fonction de la Maison Sublime. Était-elle une synagogue, une école rabbinique ou encore une résidence privée ? Nul ne peut le dire.

Un usage incertain

S’il est aussi difficile pour les historiens d’identifier les édifices communautaires c’est en grande partie à cause de leur réaffectation après l’expulsion des juifs.

Il en va ainsi pour la Maison Sublime. Des découvertes archéologiques attestent que la salle basse du monument a été entièrement remblayée aux alentours de 1306, l’année même où les juifs de Rouen sont expulsés de la ville et voient leurs biens confisqués. Cette modification pourrait donc coïncider avec une nouvelle occupation de l’édifice.

La date de destruction de la Maison Sublime, elle aussi pose question. Toutes les sources ne concordent pas pour définir si la destruction est intervenue en 1429 lorsque le marché se tenant sur la place de la Cathédrale est transféré dans le clos aux Juifs ou aux alentours de 1550 quand le Parlement de Normandie s’étend vers l’est.

Une chose est sûre en revanche, la Maison Sublime est l’un des plus anciens monuments juifs subsistant en France. Elle est d’autre part un témoignage majeur d’un pan de l’histoire de la ville : celle du judaïsme rouennais médiéval.  

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