Histoire

La découverte de l’édifice

Le 11 août 1976, une découverte archéologique majeure vient interrompre les travaux de réfection du pavage de la cour du Palais de Justice entrepris quelque temps plus tôt. Un engin de chantier crève la voûte d’une cave romane et révèle ainsi l’existence d’un premier monument sous le parvis du Palais de Justice.  Du fait de cette découverte un sondage systématique de toute la cour est décidé. Deux jours plus tard, le 13 août 1976, un deuxième édifice roman est mis au jour. Ce dernier, plus grand encore que le premier monument retrouvé, est celui que l’on nommera par la suite Maison Sublime.

Les archéologues engagent alors un chantier approfondi de fouilles. Ils décrivent et renseignent leurs découvertes afin d’essayer de déterminer la vie du monument et de répondre aux questions suivantes : De quand date-t-il ? Comment a-t-il été construit ? D’où proviennent les pierres ? À quel usage était-il destiné ?

L’enjeu est d’autant plus crucial que les historiens savent depuis longtemps qu’à l’emplacement du Palais de Justice actuel se trouvait autrefois le quartier juif.

Ainsi dans un livre publié quatre mois plus tôt mais non traduit en français, le professeur Norman Golb localisait une yeshivah dans la rue aux juifs.

Yeshivah : Une Yeshivah est une école dans laquelle est étudié le Talmud.

Le Talmud est, avec la Torah, l’un des deux textes fondamentaux du judaïsme. Compilé au 5ème siècle, il rassemble les interprétations des rabbins sur tous les sujets évoqués dans la Bible hébraïque. Il traite ainsi des prières, des rites, des fêtes, du mariage, du droit et de la justice, des lois alimentaires…

Pendant que les fouilles archéologiques se poursuivent, de nouvelles hypothèses commencent à voir le jour. De nombreux historiens prennent alors part aux échanges visant à déterminer la fonction de la Maison Sublime.


Les fouilles archéologiques et les différentes hypothèses

Au cours d’une première campagne de fouilles, en août et septembre 1976, les murs nord, ouest et sud de la Maison Sublime sont mis au jour. Le démontage de l’escalier de la Cour d’appel du Palais de Justice est nécessaire pour poursuivre les investigations et accéder au mur est, l’année suivante.

Les premiers dégagements révèlent un bel édifice roman en pierre de taille. La situation du bâtiment, au cœur du quartier juif médiéval, confère un intérêt d’autant plus évident à cette découverte que les fouilles ne tardent pas à révéler la présence d’une série de graffitis hébraïques gravés sur les murs.

Pourquoi parle-t-on de la Maison Sublime ?

Le monument prend ce nom en raison d’un des graffiti hébraïques découvert sur l’un des murs de la salle basse. Ce dernier rappelle une citation du Livre des Rois (I,9,8) : “Et cette maison sera sublime jusqu’à ce que le Rocher (le Dieu d’Israël) ait pitié de Sion”.

Enfin, sur la base des résultats des fouilles et de diverses comparaisons architecturales une troisième hypothèse est avancée, celle de la résidence privée.

Les débats entre les partisans de ces trois thèses (école rabbinique, synagogue et résidence privée), loin de se tarir, vont au contraire se poursuivre bien après la fin des fouilles archéologiques. Ni les résultats de ces dernières ni les sources écrites ne permettent en effet de trancher avec certitude entre ces différentes hypothèses.

La découverte du monument n’en est cependant pas moins exceptionnelle. La Maison Sublime est un témoignage archéologique majeur de l’histoire du judaïsme médiéval et constitue en cela un patrimoine précieux

Le Palais de Justice, chef d’œuvre de l’architecture gothique

© Alan Aubry – Metropole Rouen Normandie

La Maison Sublime prend aujourd’hui place sous la cour du Palais de Justice. Ce dernier, véritable chef d’œuvre de l’architecture gothique, a en effet été construit à la fin du Moyen Age à l’emplacement même de l’ancien quartier juif de la ville. Au fil des siècles le bâtiment connaît de nombreux agrandissements. Avant d’abriter le Palais de Justice le monument a tour à tour été le siège de l’Échiquier de Normandie puis celui du Parlement de Normandie.

Visiter la Maison Sublime c’est donc pénétrer dans la cour de ce joyau patrimonial pour découvrir, caché sous les pavés, un édifice d’une valeur patrimoniale tout aussi exceptionnelle.

La préservation du site et l’ouverture au public

Les vestiges de la Maison Sublime sont classés au titre des Monuments historiques dès le 1er juillet 1977. Ils ont ainsi pu être protégés et restaurés.

Une fois la période de fouilles terminée, une crypte archéologique est conçue par Georges Duval, architecte en chef des Monuments Historiques. Cette crypte a pour but de préserver les vestiges tout en permettant la visite du monument.

Le 13 octobre 1980 le monument est inauguré et ouvre pour la toute première fois au public. Depuis, la Maison Sublime de Rouen a connu des périodes de fermeture. À partir de 2012, une importante campagne de préservation du lieu est lancée par le Ministère de la Justice et l’Association la Maison Sublime de Rouen.

À la fin du 20ème siècle de nouvelles découvertes archéologiques ont lieu dans l’ancien quartier juif médiéval. L’existence de deux autres maisons en pierre datant de la même époque que la Maison Sublime a ainsi pu être révélée.  En 1982, un édifice est en effet découvert au-dessous du Tribunal de grande instance, au sud de la rue aux Juifs. Quelques années plus tard, en 1985, un autre bâtiment roman est quant à lui retrouvé au-dessous de l’aile Est du Palais de Justice.

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